Entretien avec une rescapée des soirées Goa-Trance
Auteur: C.R.O.M.
Chaque week-end, des millions de jeunes se rendent dans de grands temples en forme de boîtes noires pour danser extatiquement sur une musique répétitive qui pénètre jusque dans leur corps. Quel est le sens de cette nouvelle communion? Que se passe-t-il à l'arrière du décor? C'est un sujet que nous allons tenter d'explorer à travers l'expérience d'Orfée (nom fictif), qui s'est frottée de près à l’une des sphères de ce milieu, à savoir la scène «Goa-Trance».
C.R.O.M.: Comment t’es-tu retrouvée dans cette scène de la «Goa-Trance»?
Orfée: Par un copain que j'avais connu en Inde. Après notre rencontre, on a échoué à Goa sur la côte ouest de l’Inde. Et là, j'ai rencontré ses amis qui, justement, étaient «bien placés» dans les milieux trance. Je n'ai pas été tout de suite acceptée, loin de là, puisque, pour être acceptée, il faut connaître du monde ou avoir quelque chose de particulier – comme faire de la musique, dealer de la drogue, ou être très belle. Mais en tout cas, j'étais sa copine, et je suis entrée. C'était en 1998. Je dois dire que ce n'était pas vraiment mon genre de musique, j'avais du mal à m’y faire. Mais je m'y suis habituée, car on finit par entrer dans le rythme.
C.R.O.M.: Peux-tu parler de cette musique et du type d'ambiance?
Orfée: C'est de la musique trance-techno, c'est-à-dire électronique avec un beat répétitif, mais avec des effets sonores qui te font «planer». Tu peux facilement les suivre, passer d'un son à l'autre et, finalement, entrer dans une certaine forme de transe. C'est ça le but. La musique techno ordinaire a un rythme soutenu, plus fort, moins sophistiqué... Le son Goa, c'est de la musique qui se veut «intelligente».
Dans ce milieu, tout le monde est bien fringué. Assez «avant-garde». Les décors sont très soignés, plein de peintures «psychédéliques» avec des couleurs vives, voire fluo. Très souvent les parties ont lieu dans la nature: sur la plage, dans la montagne, etc.
On trouve toutes les drogues, particulièrement celles qui ont des effets hallucinogènes. Elles s'associent parfaitement avec la musique. Cette combinaison ouvre à toutes sortes de nouvelles perceptions...
Ce n'est pas n'importe qui qui organise les soirées. Il faut bien que les drogues viennent de quelque part, qu’elles soient distribuées au bon moment ; il faut que les meilleurs DJ soient là. C'est un gros business.
La Goa existe depuis le milieu des années 80... Là-dedans, tu as des «vieux de la vieille», des gens qui ont eu accès à beaucoup d'informations occultes par les drogues... Puis il y a les dealers qui sont de mèche avec les organisateurs qui sont eux aussi de mèche avec les DJ.
Toutes ces personnes forment de grandes familles. Comme il y a des parties dans tous les pays du monde, il y a la tribu des Anglais, des Allemands, des Israéliens, des Américains, etc. Chaque pays a son élite, sa cour.